samedi 18 avril 2009

Emmanuel Moire trouve son équilibre

Il est temps de poster un nouvel article en français, parce que l'artiste est français d'abord, que son album est magnifique et les mots anglais me manqueraient pour exprimer ce que j'ai vraiment ressenti à son écoute.

J'ai découvert Emmanuel Moire fin 2004, comme beaucoup, avec le premier single annonciateur de la comédie musicale Le Roi Soleil, Être à la hauteur où il se faisait remarquer par les prouesses vocales dont il était capable.
Après le succès acquis grace à la troupe, il fut le premier à dégaîner son album solo, (Là) où je pars, en Novembre 2006, mais le succès de celui de Christophe Maé (plus d'1 million d'exemplaires vendus de Mon paradis) éclipsa quelque peu ce premier opus, qui s'écoula néanmoins à plus de 200 000.
Une collègue de bureau me l'ayant fait écouté à l'époque, j'avoue ne pas avoir accroché au contenu, trop sucré et surtout trop gorgé de guitares accoustiques pour accompagner un excès de ballades romantiques. Il faut dire que le premier single extrait, Le Sourire, sur une ritournelle de Benoît Poher de Kyo, ne m'avait pas vraiment plu. La pochette, elle, me l'avait pourtant bien fait remarquer dans les bacs, avec Emmanuel plongé dans les eaux lisses aux reflets verts tendres de forêt, offrant dans les rayons une couleur presque tabou dans le milieu artistique, superstition oblige...



A le réécouter aujourd'hui, je trouve cependant quelques plages qui m'accrochent les oreilles, Ça me fait du bien, belle mélodie avec piano omniprésent, mais surtout le titre d'ouverture, Celui que j'étais et Si c'était ça la vie, deux compositions d'Emmanuel Moire, et la première portée par un texte de Lionel Florence, parolier star que l'on ne présente plus... A les redécouvrir aujourd'hui, j'aimerais assez entendre de nouvelles versions de ces deux titres remaniées à la sauce 2009. Une chose est sûre, le chanteur a bien fait de s'imposer compositeur et réalisateur associé de ce nouvel album, L'équilibre, parce que les meilleurs titres de son premier album étaient les siens et que son nouveau paysage musical, plus personnel, moins lisse en est devenu bien plus séducteur aussi, à l'instar de son image. Il est passé de celle du gendre idéal aux yeux clairs au mec sexy au crane rasé et à la voix androgyne.
L'imagerie de ce nouvel "équilibre" est magnifique. C'est Laurent Seroussi, auteur du Rodéo de Zazie par exemple, qui a imaginé empêcher ce bel ange de quitter terre en l'attachant de fils de laine multicolores.



L'avant-goût de l'album, Adulte & sexy, m'avait immédiatement conquis et j'ai attendu patiemment la sortie de l'album le 13 Avril pour acheter la version collector deluxe Carrefour avec livret exclusif et interview et incluant un précieux titre bonus. Depuis mon achat, j'écoute L'équilibre en boucle et exclusivement. J'en suis totalement accro et c'est mon album français de l'année 2009 pour l'heure. Evidemment, il risquerait, d'ici à la fin de l'année, de subir la concurrence de Caféïne, le second opus de Christophe Willem sortant le 25 Mai, mais des deux singles actuels, c'est celui d'Emmanuel qui supplante le Berlin de la tortue alors on verra...

Emmanuel s'est beaucoup investi dans cet album, en composant d'abord toutes les musiques (sauf une), en en confiant les textes (dont deux qu'il a co-écrit) à son frère de mots déjà présent sur le premier album Yann Guillon (sauf un écrit sur mesure par Doriand), en y posant toutes les voix, lead ou choeurs, et surtout en co-réalisant l'intégralité, programmations et claviers compris, avec Christian Lieu. A noter qu'ils se sont adjoint les services au mix de Jérôme Devoise, connu notamment pour avoir oeuvré sur les deux derniers albums de Mylène Farmer.
Cet investissement personnel de chaque jour en studio lui a permis d'aller vocalement et musicalement là où il voulait aller, dans une pop toujours mélodique, mais très moderne et aux sons plus électroniques, sans être non plus totalement électro ou dance néanmoins. Un virage risqué sûrement mais si sincère et abouti qu'il ne saura pas perdre les fans de la première heure (que je n'étais pas) mais lui permettra d'en gagner de nouveaux, comme moi donc.

1/ SUITE ET FIN 5:27 9/10
L'album démarre doucement, sur un piano égrenant les notes lentement pour accompagner la voix d'Emmanuel Moire, calme et maitrisée, sur de nombreux couplets montant crescendo vers cette Suite et fin expliquant son parcours et ce changement de direction musicale, après une période de doute qui a suivi la tournée de (Là) où je pars, sa prise de confiance aussi, sa maturité humaine et artistique surtout. Cette longue plage au texte fort et bien mis en valeur, ascension sonore de 5'30 entre passé accoustique et présent électronique et libéré, ouvre magnifiquement l'album de L'équilibre atteint par l'artiste.

2/ ADULTE & SEXY 3:15 10/10
Intro voix très en avant pour le premier couplet uniquement porté de loops de synthés, puis deuxième couplet avec montée ascensionnelle de la rythmique jusqu'à l'explosion quasi orgasmique du refrain, Adulte & sexy est un tube immédiat, appel à assumer nos envies, nos plaisirs entre adultes consentants et libres. C'est donc un Emmanuel libéré qui, s'il chante toujours de sa voix d'ange, chante aussi "nous n'sommes pas des anges" ...Mmmmmm, comme j'imagine bien volontiers me damner avec un ange comme lui .

3/ SANS DIRE UN MOT 3:32 10/10
Avec Sans dire un mot, Emmanuel nous ramène vers le territoire qui l'avait fait connaître, la chanson d'amour en douceur mais avec envolée du refrain en voix de tête, et c'est un plaisir. La mélodie est magnifique, le thème (le coup de foudre) intemporel, les arrangements, simples mais modernes, entre électroniques et symphoniques, avec ces nappes de cordes accompagnées de claviers. Ce titre devrait vraissemblablement sortir en second single ; il réconciliera les quelques fans de la première heure éventuellement déroutés par Adulte & sexy et les ramènera à l'album. Seul bémol, le titre, puisque du refrain c'est surtout l'accroche "un jour ou l'autre" que l'on retient plutôt que le "sans dire un mot" qui n'apparaît qu'en fin de refrain.

4/ MIEUX VAUT TOI QUE JAMAIS 3:22 9,5/10
Par son intro presque accoustique avec guitare rythmique et voix, tantôt parlée, tantôt chantée, se répondant comme un duo sur ses couplets, puis son envolée d'avant refrain et son Mieux vaut toi que jamais hypnotiquement répété sur lit de choeurs très présents, ce nouveau titre se révèle sans doute le plus atypique, novateur mais tout aussi séducteur et addictif que les autres. Construit à l'inverse des autres chansons à partir de l'accroche du titre et non à partir d'une ligne piano/voix, c'est sans doute cette construction d'ambiance moîte et sensuelle par superposition d'effets de voix qui lui donne tout son charme, tout en phéromone sonore.

5/ L'ADVERSAIRE 4:48 18/10 (voui, voui!!)
Une intro électronique nous fait monter doucement dans cette chanson qui aborde un thème cher à Emmanuel et dont il voulait parler depuis longtemps. C'est l'une des deux chansons dont il a co-écrit les paroles avec son complice Yann Guillon, pour parler de ces personnes qui préfèrent faire mal en utilisant les faiblesses des autres plutôt que de vivre dans le partage et le respect. Musicalement, L'adversaire, est le titre le plus fort de l'album pour moi, un tube radio en puissance, aux arrangements très électroniques, presque "dance", mais surtout à la mélodie imparable, qui prend un instant les accents de son Être à la hauteur lorsque le refrain devient "...d'être un adversaire", mais ça ne peut pas l'empêcher d'être le single suivant extrait après Sans dire un mot, dans une version sans doute raccourcie à moins de quatre minutes, et avec des remixes electros en bonus. Il s'y prêterait en tout cas. La voix d'Emmanuel y monte également dans des sphères si hautes que l'on espère qu'il n'est pas devenu castrat durant l'enregistrement ; chapeau !
La rythmique des couplets m'a quant à elle déjà imposé les images d'un clip noir et blanc où l'on verrait Emmanuel en boxeur à l'entrainement (un torse nu en sueur serait du domaine du rêve, mais en T-shirt auréolé, plus vraissemblable) frappant au même rythme dans un sac de sable, dans un décor fondu dans un jeu d'ombres et lumières laissant entrevoir le ring et les cordes, alterné avec des images de ses pensées, images volées à sa mémoire où l'on verrait ces "adversaires" de la vie de tous les jours, pointant du doigts les failles de leurs interlocuteurs, à la machine à café du bureau, à l'accueil du supermarché, etc., et enfin Emmanuel en gros plan chantant simplement les paroles. Que pensez-vous de mon scénario ? Une fin, gros plan la tête rasée sous le pommeau de la douche pour le laver de ses pensées négatives serait une fin sensuelle et raccord avec l'univers du sport.

6/ DIS-MOI ENCORE 3:46 8/10
Après ces presques cinq minutes d'énergie à l'état brut, Dis-moi encore calme le tempo pour un nouveau titre chargé de moiteur sensuelle, avec des arrangements lounge house et à nouveau un travail sur les voix très particulier, choeurs parlés jouant leur propre mélodie en parallèle de la mélodie principale en voix chantée. Cette chanson est plus expérimentale dans son approche, plus répétitive au niveau du refrain dont la phrase titre est le moteur cyclique de la rythmique, et donc moins accrocheuse. C'est néanmoins une belle plage d'album, qui fait un effet de pause avant de basculer dans sa deuxième partie.

7/ PROMIS 4:00 9/10
Je parle de deuxième partie parce qu'avec Promis, L'équilibre reprend son enchainement de titres imparables et cette chanson pourrait aisément être elle aussi extraite en single. Véritable déclaration d'amour vrai au jour le jour sans fausse promesse d'amour éternel, Promis possède un subtil refrain aux jeux de mots croisés et l'on n'aurait pu deviner que ce texte est le seul que Yann Guillon n'a pas écrit exprès pour l'album mais adapté pour Emmanuel. il est comme la suite de Adulte & sexy et Sans dire un mot ; après la liberté d'aimer et la rencontre, on s'accorde à rester ensemble pour l'instant présent et jusqu'à ce que ça dure. Emmanuel et Yann nous offrent des love-thèmes qui rejoignent parfaitement ma vision de l'amour. Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles cet album me colle à la peau depuis que je l'ai écouté pour la première fois... A noter que le titre se termine sur ce qui ressemble fort au battement de deux coeurs côte à côte, comme pour illustrer le texte du refrain.

8/ L'ATTRACTION 4:15 8,5/10
Emmanuel se fond dans le costume de Monsieur Loyal pour inviter les auditeurs à venir visiter L'attraction nouvelle dans le cirque de nos vies, métaphore déclinée tout le long entre l'attirance de deux êtres et un phénomène de foire moneyant les regards étonnés des badauds. L'intro nous plonge dans cette atmosphère avec le son d'un orgue de barbarie mais la musique, si elle a une rythmique plus lourde, presque R&B, est toujours bien électro(nique). Le refrain est, encore une fois, très accrocheur avec un Emmanuel très en voix et toute cette imagerie de cirque permettrait à ce titre de se parer d'un clip intéressant si elle devenait un single.

9/ HABILLEZ-MOI 4:33 8,5/10
Composée par Claire Joseph, avec qui Emmanuel clôturait en duo son premier album, avec des paroles de Doriand, Habillez-moi est peut-être le titre qui a inspiré Laurent Seroussi pour la pochette de l'album puisqu'Emmanuel propose qu'on l'y habille d'un fil. Le thème est la franchise, voire la critique en face à face, préférable à l'hypocrisie, et surtout la force mature de l'artiste qui, quoiqu'on puisse lui dire, ne se verra ébranlé dans ses convictions et son être ; une sorte de déclaration d'insensibilité au regard et critiques des autres. Musicalement, le son est plus brut, plus rock presque, la mélodie moins aérienne surtout que les compositions d'Emmanuel. Il s'insère cependant sans problème dans la continuité de l'album.

10/ SOIS TRANQUILLE 4:39 10/10
L'album avance vers sa fin et c'est en cette dixième place qu'Emmanuel nous offre son titre le plus intime, dédié à son frère jumeau Nicolas, décédé en ce début d'année après qu'un chauffard l'ait envoyé dans le coma. Co-écrit avec Yann Guillon, Sois tranquille se place du point de vue de Nicolas parlant à son frère de l'au-delà et si Emmanuel déclare que ce titre est à la fois un exutoire et un hommage qu'il porte sereinement en tant qu'artiste, chaque auditeur ne pourra s'empêcher de trouver ce requiem à la fois magnifique et difficile à écouter sans un pincement de coeur. "Sois tranquille, tout va bien, ce n'est rien, je repose en paix" chante Emmanuel, prêtant sa voix à son frère Nicolas pour lui parler et calmer sa douleur, et ce message, qui touche chacun là où il a perdu l'un des siens, en devient le morceau de bravoure de l'album, le titre qui restera, intemporel, inusable, inoubliable. Sur la fin, lorsque la musique devient presque lyrique et la voix d'Emmanuel celle d'un ange, on se prend à penser que oui, l'écriture, l'enregistrement et la vie de ce titre a été, est et sera sans doute à jamais un passage, une communion avec sa moitié disparue. Difficile, même en ne se plaçant qu'en simple spectateur/auditeur, et bien que le message soit avant tout serein, de ne pas se laisser surprendre par une humidité de l'oeil à son écoute.

11/ RETOUR A LA VIE 5:16 8/10
Après le thème de Sois tranquille, le titre de la chanson suivante porte à confusion mais il s'agit là de parler de la difficulté de l'artiste à la sortie de scène, de retrouver une vie normale et satisfaisante après le trop-plein d'amour reçu de son public. Je ne peux m'empêcher de comprendre aussi que cet amour là est une force sans doute qui a aidé Emmanuel à surmonter la perte qu'il vient de subir et que de remonter sur scène, sortir un nouveau single et album, avait sûrement été un moteur pour lui donner envie de ce Retour à la vie. A la fois très symphonique et très électronique, ce titre ferme l'album dans sa version normale mais la version collector ajoute un bonus qui lui permet de repartir dans la légèreté, musicalement en tout cas.

12/ DEVANT L'ULTIMATUM (BONUS) 3:40 9,5/10
Devant l'ultimatum démarre en effet par un clavier sautillant qui aide les couplets à monter crescendo vers un refrain aérien et léger pour un titre globalement optimiste dont le message est cependant que la vie ne tient qu'à un fil, qu'on ne connaît pas sa date de péremption mais que ça ne doit pas nous empêcher de vivre à pleins poumons sans penser à l'instant où tout s'arrêtera.

Notez qu'à la fin de la dernière piste du CD, quelque soit la version à 11 ou 12 titres d'ailleurs, après une minute de silence, Emmanuel nous offre une mélopée atmosphérique d'environ 1'30, pour clôturer L'équilibre à la manière d'un ultime rappel sur scène.


En conclusion, L'équilibre est un pur chef d'oeuvre, la déclaration d'amour et d'indépendance d'un ange déchu tombé sur terre et qui s'y est découvert homme avant tout, homme en 2009 comme tout un chacun, avec ses doutes, ses envies ou ses failles, tout en gardant du ciel une voix céleste, pure et cristalline, faite pour nous transmettre ses émotions.
L'album d'Emmanuel Moire est un instant de grâce, une bulle de magie que l'on écoute pétiller encore et encore, à chaque fois avec le même émerveillement, un de ces albums rares que l'on se doit de posséder absolument.

Il ne me reste plus qu'à suggérer à Emmanuel d'enroler le duo Cassandre en première partie de sa tournée, parce que son nouvel univers est un prolongement du leur et d'embaucher leur arrangeur Thomas Dorian pour remixer Adulte & sexy et L'adversaire pour le dancefloor. Ça serait génial !

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