lundi 19 janvier 2015

Christine & The Queens apporte un peu de "Chaleur humaine" dans la pop électronique

Véritable révélation de l'année qui vient de s'écouler, l'artiste française Christine & The Queens, Héloïse Letissier de son vrai nom, n'en finit pas de faire parler d'elle et de son formidable premier album Chaleur humaine qui s'écoule comme des petits pains et a le mérite de réjouir à la fois les critiques et médias comme le grand public.
C'est dans mon canapé que je l'ai vraiment découverte, devant l'émission de Laurent Ruquier où elle était invitée que la retransmission des images de ses vidéos et de la performance qu'elle avait faite aux victoires de la musique précédentes. Ça m'a fait me souvenir que j'avais été scotché par sa chorégraphie qui ne faisait qu'une avec sa voix et sa musique et comme ils avaient annoncé qu'un album allait suivre, je m'étais noté d'y jeter un oeil sans me souvenir cependant vraiment de l'artiste. Se livrant sans fard dans l'interview qui a suivi, la belle artiste avançant farouche et sans concessions dans son univers m'a donné envie à nouveau de lui tendre l'oreille, d'autant que je reconnaissais sans avoir pu les mémoriser les morceaux qui avaient illustré son passage dans l'émission de France 2 : Nuit 17 à 52, Ugly-pretty et bien sûr Saint Claude, dont le titre n'aide pas à retenir le morceau dont la phrase d'accroche du refrain anglais est en fait "Here's my station..." C'est ce qui caractérise le plus la musique de Christine & The Queens, ce mélange d'anglais et français aux accents pop, new wave, et sans refrain, texte raccoleur qui tomberait dans la variété. Le tout paré de cordes chaudes et symphoniques qui donnent bien de la chaleur à son électropop. Le mélange peut être déroutant mais n'en demeure pas moins hypnotique et addictif, même si difficile d'accès de prime abord en format radio standard. Heureusement, ça n'a pas empêché Saint Claude par exemple d'être playlisté et d'aider à démocratiser sa musique pour en faire un des albums gagnants de l'année.

1/ iT 3:38 9,5/10
L'album commence presque religieusement avant que la rythmique lourde et pesante n'ouvre la voie pour son interprète. iT est un titre tout en anglais dont l'accroche "I'm a man now" capte l'attention de l'auditeur dans un texte poétique et dur ciselé autour de l'idée d'une femme qui se sent homme et dont la braguette rembourrée qu'il/elle empoigne n'est qu'un subterfuge. Ce titre est très poignant et percutant, démarrant en trombe un album du même acabit, et son imagerie renvoie à son interprète, qui adule Michael Jackson et joue souvent de cette image à s'emparer d'une main de ses virils attributs sur scène. C'est peut-être aussi une déclaration d'indépendance de l'artiste ouvertement bisexuelle vis à vis de notre société machiste. Ce titre ouvrait également son premier EP, Miséricorde, en 2011, sur lequel figurait une reprise très personnelle du titre de son idole Who is it, et devrait donc s'interpréter comme le premier single de Christine à mes yeux.

2/ SAINT CLAUDE 3:59 10/10
Suit LE tube dont la chorégraphie/vidéo a fait beaucoup sans doute aussi pour son succès, et cette fois, Saint Claude est en français, sauf le refrain en anglais, ce qui aide aussi à figurer aux playlistes de nos radios, quotas obligent. Le phrasé syncopé et l'ambiance lourde et moite du titre en font un ovni musical qui tranche à côté des productions habituelles de l'hexagone. En français, les mots d'Héloïse n'en sont pas moins poétiques et sa voix qui devient quasi angélique dans les aigus du refrain se mèle à merveille avec les arrangements somptueux. La belle joue en effet de sa voix, la superposant en couches et choeurs de paroles et tons différents, et j'ai longtemps pensé qu'on n'en avait qu'une version parce que son mix était juste parfait. Vient seulement de sortir un remix de Demonico Torti qui le raccourci légèrement en y ajoutant une rythmique dance subtile qui apporte une réelle valeur ajoutée au morceau pour l'emmener dans d'autres territoires sans le dénaturer. Je dis bravo !


3/ CHRISTINE 3:54 9,5/10
Nouvel extrait de l'album, Christine démarre sur plus de trente secondes en instrumental, avec une rythmique trébuchante et une petite mélodie enfantine étouffée et régressive. Cette fois encore, le titre de la chanson en est absent et la phrase forte de son refrain qui revient est "ça/je ne tient/s pas debout", avec un effet répétitif et hypnotisant qui, ajouté à un pont parlé/murmuré à notre oreille, transforme ce petit bijou en une mélopée quasi mystique et en un instant pop magique. Notez que c'est une ré-écriture en français de son titre de 2012 Cripple, qui bénéficie donc d'une nouvelle version plus subtile aussi je trouve.


4/ SCIENCE-FICTION 3:39 8,5/10
Quatrième plage et nouveau renfort de pop complètement barrée, avec ses choeurs en italiens (à moins que ce ne soit du latin?), sonorités électro-psychédélirantes et refrain qui tourne en boucle ascensionnelle comme pour mieux nous faire monter au septième ciel rejoindre son artiste, visiblement perchée haut, très haut, mais c'est bon :). Même si moins accessible. J'imagine plus ce titre comme un hommage à sa chérie, peut-être nommée Stella comme dans la chanson ?

5/ PARADIS PERDUS 3:36 9/10
Bizarrement, Paradis perdus n'est pas un titre écrit/composé par Christine mais une reprise de Christophe, Jean-Michel Jarre à la musique, datant de 1976 apparemment, et totalement appropriée par la jeune femme. Comme si ses chansons ne pouvaient décidément pas y voir leur titre chanté, elle occulte la partie où il figurait et ponctue les couplets totalement réarrangés d'une nouvelle partie en anglais piquée à Kanye West qui sonne comme un refrain, "Heartless, how could you be so heartless", sauf que pour une fois, je trouve son anglais sonner plutôt "à l'aise" :). Quoiqu'elle chante en tout cas, ce titre pourrait jouer l'ultime single extrait puisqu'il se jouerait également des quotas tout en rendant hommage à une autre de ces idoles/modèles. Elle semble exceller pour faire siennes les chansons fétiches de ses aînés puisqu'elle avait déjà magnifié le tube d'Yves Simon Amazoniaque sur son second EP. Dommage qu'il n'ait pas été ajouté ici en bonus ;).

6/ HALF LADIES 4:19 8,5/10
Mais n'allez pas croire que ses propres compos ne pourraient jouer ce rôle, à l'image de Half ladies qui, bien que son titre ne l'indique pas, est 100% en français, minus le titre qui est répété dans le refrain en boucle très mémorisable "laissez passer toutes les half-ladies". Les couplets me semblent cependant un peu mornes comparés au refrain réjouissant. Le propos quant à lui, et une fois encore, revient sur le droit à la différence, d'être un garçon-fille, à moins que ce ne soit une fille-garçon, à l'image des "Queens" dont Héloïse a décider de parer son alter-égo Christine en souvenir de ses années d'immersion dans les clubs queer de Londres.

7/ CHALEUR HUMAINE 3:58 9/10
Nouveau mid-tempo moite, et finalement assez sexuel dans son texte toujours aussi poétique et délicat cependant, qui s'éveille quand éclot son refrain lumineux qui cette fois se termine en apothéose par la révélation de son titre "...pour m'initier dans un sourire à la chaleur humaine" ;). Les arrangements minimalistes accompagnent cependant suffisamment la voix de son interprète et le titre s'achève presque trop tôt.

8/ NARCISSUS IS BACK 3:29 8,5/10
Seul rescapé de son EP de 2012 Mac Abbey et 100% dans la langue de Shakespeare, Narcissus is back semble une ode emplie de doute sur l'amour propre ou sur l'estime de soi à avoir pour mérité d'être aimé. Utiliser l'image mythologique de Narcisse, aimant trop son reflet au point de s'y noyer, mais en anglais, joue sans doute là encore sur ses références queer acquises à Londres, Pink Narcissus étant un film érotique historique de cette culture.


9/ UGLY-PRETTY 3:26 10/10
Christine joue encore sur le thème de la beauté empoisonnée avec ce titre Ugly-pretty, qui rend également hommage à l'artiste iconique Klaus Nomi, premier mort officiellement du sida, et dont l'opéra-pop électronique inclassable aura marqué son époque et l'imagerie coldwave des années 80. Mais elle va plus loin, accompagnant ce titre rythmé et accrocheur en anglais au refrain d'un couplet parlé en français sur l'imagerie pornographique accessible partout sur internet de nos jours. Et le subtil alliage de tout cela fait de ce titre une autre pierre fondatrice de l'album incontournable.

10/ NUIT 17 A 52 4:22 10/10
Intro toute en douceur en piano/voix pour le titre de 2013 issu de l'EP du même nom qui a ouvert la voie pour l'album, mais Nuit 17 à 52 est plus que ça... Si son texte obscur, en français principalement, même si un pré-refrain en anglais marque bien son territoire aussi avant le refrain étiré et délié autour de la voix de son interprète, me semble avant tout parler de la difficulté à faire durer une rencontre, une passion, l'amour tout simplement, on est encore une fois avant tout dans une non-narration poétique mais qui, fondue avec la musique et la voix, nous capture et nous emmène avec elle.


11/ HERE 4:27 8/10
Orgues pesants mais voix vive font de cet ultime morceau un paradoxe qui dure tout le long du morceau, qui décline chaque couplet chanté en français derrière la phrase d'accroche "Here is where everything happened" avec un refrain sombre presque incantatoire qui sonne comme un le requiem de cet album déjà fini. C'est le titre que j'aime le moins de l'album et ça ne m'aide qu'encore mieux à rappuyer donc sur la touche play pour le ré-écouter depuis le début :) ! Et vous ?

Maintenant, je m'interroge sur la manière dont elle va pouvoir suivre cet opus d'anthologie sans être redondante, sans tomber dans la facilité (ce ne serait pas son genre) ni dans le trop pointu, nombriliste, sans décevoir. Difficile mission mais Héloïse à sûrement plus d'une Christine dans son sac !






1 commentaire:

  1. Salut. Je viens de découvrir ton blog et j'aime beaucoup. D'autant que nous avons pas mal de goûts en commun (la musique de Stock/Aitken/Waterman entre autres : je croyais être le seul à les aimer et à les écouter encore fréquemment). ;)

    Moi c'est dans l'émission "C à vous" sur France 5 que j'ai découvert Christine and the queens. D'habitude je zappe toujours quand ça se met à chanter mais là, je dois dire que j'ai été littéralement scotché par sa prestation télé, j'avais toujours la télécommande en main, prêt à zapper, mais je ne l'ai pas fait et quand elle a fini sa superbe ré-interprétation de "Christine" avec une toute nouvelle musique encore mieux que celle de l'album (celle qui figure maintenant sur son EP itunes), je me suis dit "oh la la, elle est super cette fille, vite où est son album que je l'achète" ! ;)

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